Tout comme les peintres et les poètes, les musiciens n’ont eu de cesse au fil des siècles de puiser leur inspiration dans la nature. Qu’il s’agisse de chanter l’alternance du jour et de la nuit, de faire entendre le cycle des saisons ou le cours majestueux des fleuves, de suggérer l’émotion liée à la contemplation d’un ciel étoilé ou de faire gronder le tumulte des éléments, la musique, à défaut de pouvoir complètement et facilement imiter la nature, a souvent tenté d’y faire écho.
Figure emblématique parmi toutes, Orphée, à la fois poète et musicien, symbolise la parfaite harmonie entre l’Homme et le Monde. Son chant dompte les animaux, même les plus sauvages, avant de triompher de la mort. Au-delà de considérations purement zoo-organologiques (des archets en crin de cheval, des peaux pour timbales, des plumes pour les sautereaux et becs des clavecins,.. !), les références au règne animal sont multiples dans la littérature musicale, tous siècles confondus. La musique baroque, et les œuvres dédiées aux clavecinistes au premier plan, foisonnent de bestiaires de toutes sortes. L’usage d’instruments destinés à imiter les cris des animaux et chants des oiseaux y sont légion. On songe ensuite à La Création de Haydn, riche en peintures d’animaux divers, du lion aux colombes, ou encore à l’incontournable Carnaval des Animaux de Saint-Saëns. Plus proche de nous, le Jurassic trip de Guillaume Connesson nous confronte à un bestiaire d’un nouveau style. Messiaen, quant à lui, affirmait avoir pour principaux maîtres à composer les oiseaux eux-mêmes. L’extraordinaire « Catalogue » qu’il leur a dédié témoigne d’un intérêt pour les différents éco-systèmes de la planète. Peut-être est-ce ici l’occasion d’étudier également la part d’animalité qui sommeille en chacune et chacun d’entre nous ?
Plus globalement, les évocations musicales de la nature sont en fait articulées à l’idée même que l’on s’en est faite au fil des siècles. Ainsi, au Moyen Âge, la nature, création divine, est le lieu de la Beauté idéale. Imiter la nature revient à construire un ordre musical reflétant l’ordre du Monde. La Renaissance voit le parachèvement de cette tradition imitative de la nature. Les bouleversements scientifiques des 16ème et 17ème siècles et l’apogée des Lumières induisent de voir la nature non plus comme une force immanente, mais bien comme une sorte de grand livre écrit en langage mathématique. Tout un arsenal de formules rythmiques et mélodiques se mettent en place pour suggérer l’idée du mouvement de l’eau, du chant des oiseaux, de la chasse, … Les Quatre Saisons figurent parmi les sujets les plus prisés aux 17ème et 18ème siècles, aux côtés des scènes de pastorales et autres évocations d’univers arcadiens, au travers desquels la vie rustique à la campagne est magnifiée par le prisme d’une nature exclusivement bienfaitrice.
Avec Rousseau, la nature s’incarne dans le fantasme d’une primitivité originelle que l’humanité aurait progressivement corrompue. Si la fin du 17ème siècle voyait déjà se répandre un nombre conséquent d’œuvres offrant une évocation esthétisée de bruits naturels parfois effrayants (tonnerre, vents, mugissement des mers,… ), les tableaux des éléments déchaînés se multiplient au tournant des 18ème et 19ème siècles. Le mouvement Sturm und Drang en Allemagne en use sans réserve. En parallèle, dans le sillage de Rousseau, pointe de manière toujours plus acerbe la critique de l’environnement urbain, lieu de corruption et d’artifice, témoin des dégâts de la civilisation. Fuir les villes pour les champs, trouver refuge dans des contrées sauvages où l’espoir d’une régénérescence est encore possible, telle est désormais la question qui taraude les compositeurs ! Beethoven, avec la Symphonie pastorale, suggère un ailleurs loin des villes qu’il est souhaitable de gagner. Schubert marche dans ses pas.
La nature n’est plus désormais ce grand livre descriptif dont il convient de déchiffrer les mystères rationnellement. L’Homme apparait tout petit face à la toute-puissance des éléments. Certains sujets sont d’ailleurs choisis pour leur potentiel spectaculaire. En communion avec les forces – physiques, telluriques, magnétiques- de la nature, l’individu ne cherche plus à lutter contre elles, mais s’y abandonne en leur livrant toutes ses projections psychologiques. La fin du 18ème siècle est également le moment de la découverte de la haute montagne et de son fort potentiel d’inspiration. La forêt devient de son côté le réceptacle de toutes les angoisses. Dans le même temps, les musiciens parcourent les routes d’Europe et s’émerveillent de la puissance et de la diversité des paysages traversés (Liszt et ses Années de pèlerinage ; Les Hébrides et la Symphonie écossaise de Mendelssohn,…). Avec Chabrier (España), Albeniz (Iberia), Smetana (Ma Patrie), chanter les beautés et les vertus d’un terroir, décrire le pittoresque de paysages sonores revêt un caractère hautement idéologique au moment du réveil des Nationalismes.
Les compositeurs de la seconde moitié du 20ème et du 21ème siècle s’intéressent, avec des mouvements comme l’écologie sonore ou la bio-acoustique, à l’extraordinaire laboratoire de sons offerts par la nature : ruisseaux, vents, bruissements d’insectes, cris d’animaux, deviennent un matériau sonore propre, hybridé ou non au sein de compositions originales. Tendre son micro vers le monde participe également à des enjeux liés à la préservation de notre environnement. Face aux dégâts de l’anthropocène, à la disparition progressive des espèces, il s’agit en effet de sauvegarder ce qui peut encore l’être.
L’intérêt pour la nature prend donc des formes tout à fait particulières au cours des 20ème et 21ème siècles. Comment, en effet, envisager le rôle du compositeur à l’heure où les nouveaux outils d’enregistrement permettent de capter et de diffuser les sons produits par la nature elle-même ? Que peuvent devenir les relations entre la nature et l’art une fois ce dernier libéré par la technologie de son rôle mimétique ? Plus largement : le plein air peut-il se faire le théâtre de concerts d’un nouveau genre ? Ou encore, sous un angle très contemporain : les artistes ont-ils un rôle à jouer au cœur de sociétés qui placent les enjeux écologiques et la transition climatique au centre des débats ?
Les Festivals de Wallonie organisent chaque année, de juin à octobre, plus ou moins 150 concerts et activités sur l’ensemble du territoire de la Wallonie et à Bruxelles (Flagey), réunissant un public de plus de 40.000 spectateurs.
S'il s'agit le plus souvent de mélomanes fidèles ou habitués à la fréquentation de concerts de musique classique, les Festivals de Wallonie ont pour ambition de s’ouvrir à des publics diversifiés, jeunes ou moins jeunes, mélomanes avertis ou curieux issus de tous horizons, tous gourmands de musique !
Certains projets s'adressent aussi plus directement à des publics davantage fragilisés, comme Un Fauteuil pour tous (spectacles accessibles aux personnes en situation de handicap) ou encore les Tickets solidaires (système de don en partenariat avec plusieurs associations).
Les Festivals de Wallonie produisent également un certain nombre de concerts et spectacles de théâtre musical à destination des familles et/ou du tout-public. Ces productions qui placent sous le feu des projecteurs des artistes belges de premier plan sont amenées ensuite à rayonner et à poursuivre leur propre existence en dehors de la saison des Festivals à proprement parler. D'autres projets s'inscrivent dans ce même souci d'ouverture aux publics, mais aussi de soutien à la jeune génération de musiciens et créateurs.
Chacun des sept festivals offre une couleur et une saveur particulières à la fédération !
La musique à la rencontre de son public
Fédération de sept festivals, Les Festivals de Wallonie couvrent l’ensemble de la Wallonie et Bruxelles en organisant des concerts jusque dans les lieux les plus inattendus de nos provinces. Ils atteignent de cette façon un public rarement touché par les acteurs culturels traditionnels.
Une cohérence dans la diversité
Les différents festivals membres développent chacun leurs spécificités, tout en proposant des programmations très cohérentes entre elles. Chaque année, une thématique commune est proposée et un invité d’honneur vient la compléter, tel un fil rouge.
L’élargissement des publics : une dynamique de projets
Les Festivals veulent aussi mettre l’accent sur la diversification des publics-cibles via des actions culturelles de sensibilisation. Concrètement, cette volonté se traduit par la mise en place, à côté de nos concerts, de projets, respectivement en faveur des étudiants, des enfants et de publics socialement fragilisés ou encore à mobilité réduite. Ces projets sont aussi rendus possibles par les entreprises qui prennent une part active dans l’élaboration et la réalisation.
Un tremplin pour les jeunes artistes de chez nous
Conscients du pouvoir et du devoir qu’ilsont de faire entendre nos grands interprètes de demain, Les Festivals de Wallonie se veulent être un tremplin pour les jeunes artistes, et accordent une attention particulière à la promotion des jeunes talents de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ainsi, nous retrouvons côte-à-côte des artistes de renommée internationale et de jeunes artistes qui débutent leur carrière.
La mise à l’honneur du patrimoine
Le patrimoine musical de la Wallonie et de Bruxelles est mis en évidence par la découverte d’interprètes et d’œuvres de compositeurs de la Communauté française. Les Festivals mettent également à l’honneur le patrimoine architectural, en organisant ses concerts dans des abbayes, des châteaux, des musées ou des églises remarquables.
L’ouverture aux acteurs culturels
Les Festivals sont une fédération dont les portes restent ouvertes à d’autres acteurs culturels, avec qui, tout en maintenant ses exigences de qualité, ils se veulent prêt à collaborer (partenariats ponctuels, associations diverses…).
Directrice
Isabelle Bodson
Assistante de direction
Mélanie Van Gyseghem
Chargée de projets
Elise Viola
Chargée de communication
Céline Malengrez
Assistante communication / production / partenariats
Ilham Ourguis
Agence de presse
Laurence Morel, Nakami
Sarah Vermeulen, Serenai
Site internet
Coast
Comme leur nom l’indique, à l’origine, les Festivals de Wallonie ne concernaient pas Bruxelles. « Il y avait juste une antenne à Bruxelles mais pas un vrai festival », rappelle Benoît Debuyst, directement impliqué il y a dix ans dans le comblement de ce vide et aujourd’hui co-directeur artistique du festival bruxellois. Il aura fallu les forces conjointes des Festivals de Wallonie, de la chaîne de la RTBF consacrée au classique Musiq3 et de Flagey, institution culturelle installée dans le paquebot moderniste de l’architecte Joseph Diongre qui abritait autrefois l’Institut National de Radiodiffusion, pour que la capitale se fasse “wallonne” à l’occasion d’un festival musical.
L’envie initiale, et toujours vibrante aujourd’hui ? « Faire découvrir la musique autrement, avec des jeunes musiciens et pour un public plus jeune aussi », affirme Benoît Debuyst. « Ce nouveau festival était une manière pour Flagey d’étendre son public, et pour le Festival de Wallonie une occasion d’être présent à Bruxelles. Notre programmation est très complémentaire à celle de Flagey, qui propose essentiellement dans sa saison de grandes pointures et qui d’ailleurs nous propose chaque année un concert avec un musicien en résidence chez eux. En 2021, ce sera le pianiste argentin Nelson Goerner. »
Le public a embrayé. De 3000 spectateurs lors de la première édition il y a dix ans, le festival en a accueilli 10 000 en 2019 (on ne prendra pas ici en compte les chiffres de l’édition 2020, en mode covidproof). « Non seulement le public revient de plus en plus nombreux chaque année mais en plus, alors qu’au départ chacun venait à un ou deux concerts sur le festival, la moyenne est maintenant de quatre concerts par spectateur sur les trois jours. Nous avons clairement réussi à fidéliser notre public mais nous ne l’avons pas fait sur base de grands noms, et ça c’est un peu notre spécificité. On est très fiers de ça, les gens nous font confiance. »
En dix ans d’existence, si le festival s’est agrandi, les mots-clés n’ont pas changé : « Le besoin de rencontre, de découverte, de faire la fête mais aussi de regrouper des dimensions artistiques qui ne sont pas associées habituellement, souligne le co-directeur artistique. Nous élargissons beaucoup le champ de nos activités : de la musique classique mais aussi de la danse, du théâtre, des moments de réflexion avec des philosophes… Par exemple, nous proposons cette année une conférence musicale intitulée Swinging the Brain, donnée par Emmanuel Bigand, spécialiste en psychologie cognitive mais aussi violoncelliste, sur les effets de la musique sur le cerveau. »
A Bruxelles, la découverte va de pair avec la jeunesse, le festival programmant beaucoup de nouveaux artistes qui deviennent, au fil des années, « un peu des habitués ». » C’est un peu comme une grande famille, affirme Benoît Debuyst. Nous commençons à avoir un réseau de musiciens qui sont devenus pratiquement des amis et qui nous donnent toute une série d’informations sur ce qui se passe dans le milieu musical. » Dans cette mission de dénicheur de jeunes talents, Julie Calbete, soprano formée au Conservatoire de Bruxelles et co-directrice artistique du festival, bénéficie du bel atout de baigner directement dans le milieu. « J’ai gardé contact avec des musiciens qui étaient avec moi au Conservatoire et qui en ont fait leur métier aussi. Le festival a développé des relations privilégiées avec le Conservatoire de Bruxelles. Par exemple, chaque année, l’orchestre du festival, dirigé par la violoniste Shirly Laub, réunit une trentaine d’élèves. Et lors de cette édition, nous reprenons ce principe avec les classes de violoncelle, aussi bien avec le Conservatoire francophone qu’avec le Conservatoire flamand. Nous proposons aussi les Premières Scènes, un tremplin organisé avec le concours des professeurs de musique de chambre du Conservatoire. Le prix de ce tremplin est un concert l’année suivante. Nous essayons de donner la parole aux étudiants, sous le couvert de leur professeur. Et puis nous suivons ces jeunes musiciens, nous voyons comment ils évoluent en concerts, le type de projets qu’ils proposent. C’est pour ça que pour l’année prochaine ce sera particulier, parce qu’il n’y a plus pour l’instant de concerts vivants. C’est problématique. Voir des musiciens sur scène, c’est incomparable. Même si la diffusion en streaming peut se faire dans de très bonnes conditions, ça ne remplacera jamais le live. »
Autre atout : le fait que le festival soit directement lié à Musiq3. « Nous sommes en contact avec les animateurs de la chaîne, qui ont les oreilles grandes ouvertes et qui nous parlent de leurs découvertes, précise Benoît Debuyst. Et puis, il y a les captations et les diffusions en direct sur la chaîne. Tous les concerts du Studio 1 et du Studio 4 de Flagey sont captés et diffusés. Pour des musiciens qui ne sont généralement pas très connus en Belgique, venir dans ces conditions, c’est quelque chose d’important et il est donc plus facile de les convaincre de se produire dans un festival comme le nôtre. »
Avec jusqu’à 40 concerts en un week-end et un public en expansion, le Festival Musiq3 a débordé des murs de Flagey pour rayonner aux alentours. Notamment au Théâtre Marni, de l’autre côté de la place, mais aussi à l’abbaye de la Cambre, avec son atmosphère particulière, à l’autre bout des étangs d’Ixelles, ou encore à la Faculté d’Architecture La Cambre-Horta, voisine hébergée elle aussi dans l’ancienne Maison de la Radio. « Mais le public ne doit pas nécessairement se rendre dans une salle de concert pour participer au festival, nuance Benoît Debuyst. Beaucoup de choses se passent dehors. Une vingtaine de concerts se donnent sous chapiteau, à l’extérieur sur la place Sainte-Croix, et sont gratuits. Il y a toujours des musiciens qui se produisent dans la rue, sur la place pendant le marché. Ce n’est pas un festival de musicologues, c’est un festival de jouisseurs !» « Et le festival Musiq3, c’est aussi un des premiers festivals d’été. Il y a un côté festif, hyper convivial », complète Julie Calbete.
Paré de son ambiance joyeuse, tout sauf « stijf », affichant une programmation « spontanée » qui fonctionne aux coups de cœur, et s’appuyant sur un réseautage local et une ouverture multidisciplinaire, le festival Musiq3 a relevé un défi de taille : parvenir à rassembler un public jeune et familial. «Tout l’enjeu est d’aller chercher des publics différents, de fédérer autour d’artistes, de projets, affirme Julie Calbete. C’est un vrai challenge. » Et comme à après dix ans, « à Bruxelles ça commence à rouler », l’équipe du festival a eu envie d’exporter son concept. En 2019, le Festival Musiq3 débarquait en Brabant wallon (lire aussi par ailleurs). « Maintenant il y a deux festivals Musiq3, conclut Benoît Debuyst. Le principe de départ est le même à Bruxelles et en Brabant wallon, avec cette idée de découverte, de rencontre. Mais avec des contingences un peu différentes puisqu’en Brabant wallon le festival n’est pas concentré dans un même lieu et un même temps. Beaucoup de musiciens jouent dans un festival et puis dans l’autre, mais, la plupart du temps, ce n’est pas du tout le même programme qui est présenté. Par exemple, un accordéoniste vient d’un côté avec un programme Beethoven, et de l’autre avec du Piazzolla, et pas avec la même configuration. Et on espère que les gens qui ont aimé un artiste à Bruxelles viendront le voir en Brabant wallon. » Et inversement.
-
Entre Namur et le chant choral, c’est une longue histoire d’amour. Ce n’est pas Jean-Marie Marchal, entré au Chœur de Chambre de Namur dès sa création en 1987 et actuellement directeur du CAV&MA (pour Centre d’Art Vocal et de Musique Ancienne, autrefois dénommé Centre de Chant Choral), qui dira le contraire. « Dans les années 90, il nous a été demandé d’établir un relevé de toutes les chorales en Belgique francophone, aussi bien les fédérations que les chorales paroissiales, toutes les chorales d’amateurs, explique-t-il. Ça a été un très long travail et nous avons comptabilisé plus de mille chorales en Fédération Wallonie-Bruxelles. Sur une carte, nous avions placé une petite épingle pour chaque chorale que nous avions repérée et nous avons constaté qu’il y avait une « pelote d'épingles » assez invraisemblable autour de Namur, ce qui témoigne d'une tradition chorale très forte. Dès les années 60, il y a eu à Namur de grands événements liés au répertoire choral et c'est resté. Namur a par exemple accueilli à deux reprises, en 1967 et 1982, le festival Europa Cantat, le grand rassemblement choral européen de chorales d’amateurs qui est organisé tous les trois ans quelque part en Europe. Il est dès lors logique que quand les pouvoirs politiques ont décidé d'installer une infrastructure de type professionnel liée à la musique classique à Namur, ils ont choisi le chant choral. »
Le CAV&MA a été fondé en 1984. Jean-Marie Marchal, après y avoir été adjoint chargé du développement des projets artistiques à partir de 1991, le dirige depuis 2001, succédant à son fondateur Manu Poiré. Comme il n’y a pas de hasard, il est aussi le directeur artistique du Festival Musical de Namur, la branche namuroise des Festivals de Wallonie, pour lequel, depuis sa création en 1964, la musique vocale, soliste ou chorale, a toujours constitué l’axe principal de la programmation, avec en second plan une prédilection pour la musique ancienne, sur instruments d’époque. « Au sein des Festivals de Wallonie, certains couvrent un répertoire élargi et d'autres décident de se focaliser davantage sur des lignes de force : nous sommes plutôt dans la deuxième catégorie, poursuit le directeur. Nous avons une image assez solide de ce point de vue-là, une régularité dans notre programmation et un public de fidèles, qui nous suit. D’ailleurs, une enquête menée en 2007 au sein des Festivals de Wallonie sur la superficie du public de chacun des festivals membres de la fédération a montré que c’était le festival de Namur qui attirait le plus loin. Pour des affiches particulières, de grands oratorios par exemple, ou des artistes qui sont vraiment des références dans leur domaine, le public peut venir d'Anvers, de Lille, d'Aix-la-Chapelle… Nous avons un public assez curieux, qui nous fait confiance et nous pouvons proposer régulièrement des chemins de traverse, des choses plus surprenantes, des mélanges de répertoires. Par exemple un chorégraphe africain avec une flûte baroque et des effets électroniques. »
Sauf rares exceptions, comme par exemple une incursion à Floreffe, le Festival Musical de Namur s’affirme comme strictement namurois. « Cela date de la période où la Province était dominante dans le pouvoir décisionnel, retrace Jean-Marie Marchal. Il y a eu à l’époque un accord entre le Festival de l’Eté Mosan et le Festival Musical de Namur selon lequel le rôle du premier était d’essaimer dans la province, avec une fonction autant touristique que culturelle, et l’ambition du second était une organisation plus locale. Et même si finalement la Province s'est totalement désinvestie, nous avons tellement pris l'habitude de travailler de cette manière que personne n'a remis en cause cette organisation. »
A Namur, le festival avait installé jusqu’à présent son quartier général au sein de l’église Saint-Loup, joyau baroque édifié entre 1621 et 1645 en plein cœur historique de la cité. Un lieu idéal pour y faire résonner de la musique ancienne, baroque en particulier. Pour la musique de chambre, à quelques pas de là, l’ancien hôtel particu¬lier des comtes de Groesbeeck et des marquis de Croix, abritant aujourd’hui le Musée des Arts Décoratifs, constitue aussi un écrin idoine. « Mais l’arrivée de la nouvelle salle du Grand Manège va bientôt rebattre les cartes », s’enthousiasme le directeur. Portée par la Ville de Namur, la rénovation du Grand Manège aboutira à une salle de concert pouvant accueillir 800 spectateurs. Elle sera gérée par le CAV&MA.
« Ce n’est pas du tout une salle polyvalente comme on en a vu beaucoup, précise Jean-Marie Marchal, mais une salle dont le but principal est d’accueillir de la musique non amplifiée, et le répertoire classique en priorité. Son acoustique, réglable, doit aller de 1 seconde 5 à 2 secondes 7, quasiment comme dans une église. Cette salle se veut au service de tous, dans une vision collaborative. La salle est gérée par le CAV&MA, mais nous n’en aurons besoin qu’à peu près 80 jours par an, ce qui laisse une large possibilité de coproductions, d'ouvertures à d’autres partenaires. »
Grâce à ses caractéristiques acoustiques et son isolation par rapport à l’extérieur, le Grand Manège peut accueillir tout type de musique, y compris amplifiée, mais uniquement avec un public assis. Ce qui a été pensé en complémentarité avec le Delta, autre salle namuroise récemment rénovée, à l’acoustique beaucoup moins réverbérante et accueillant un public debout. « Malgré les retards accumulés à cause du coronavirus, nous espérons toujours inaugurer le Grand Manège le 1er juillet 2021, avec le concert d’ouverture du Festival Musical de Namur », précise Jean-Marie Marchal.
Avec ce nouvel outil, le festival pourra désormais accueillir sans difficulté les grands oratorios ou les orchestres symphoniques que l’église Saint-Loup (avec une jauge de 450 personnes) peinait à faire rentrer dans ses murs. De quoi renforcer les coproductions internationales que Namur propose grâce à un réseau européen développé depuis 30 ans. Des coproductions de prestige dans lesquelles le Festival Musical de Namur veille à laisser une place aux jeunes talents locaux. « Nous pouvons par exemple profiter d'un oratorio de Haendel pour confier des petits rôles à de jeunes chanteurs belges issus de notre enseignement et qui font là leurs premiers pas en tant que solistes. La présence de jeunes artistes se concrétise prioritairement au sein des grands ensembles de référence. Nous sommes attentifs à ce qu’au sein du Millenium Orchestra, de l’ensemble Vox Luminis, ou de l’ensemble Scherzi Musicali de Nicolas Achten il y ait une présence de ces jeunes, qui vont être d'autant plus mis en lumière qu'ils sont plongés dans le bain dans un cadre tout à fait professionnel. »
Que réserve l’avenir à Namur ? « Pour la suite, que ce soit pour les artistes en devenir, pour les enfants, ou pour la population du quartier, nous avons de grands projets pour faire partager cette musique au plus grand nombre, tout en restant absolument stricts sur la qualité, conclut le directeur. Le fait de disposer du Grand Manège et d’y proposer une saison complète nous permettra de renforcer notre activité de médiation et de pédagogie. Le chant choral, c'est la forme musicale la plus démocratique qui soit : ça ne demande aucun argent, aucun investissement, on a chacun notre instrument sur soi. Et puis c'est une bonne école pour apprendre le sens du beau, la responsabilité au sein d'un collectif. Le fait de chanter ensemble, c'est très important. Je pense que c'est un défi qui va m'occuper jusqu'à la pension ! »
L’histoire du festival Royal Juillet Musical de Saint-Hubert est longue, parmi les plus longues des festivals dédiés à la musique classique en Belgique. « En 1958, à l’occasion de l’Exposition universelle de Bruxelles, le gouvernement belge avait décidé d’octroyer des subsides à chaque province pour développer des initiatives culturelles locales, retrace Els Celis, sa coordinatrice et conseillère artistique. Ici, en province de Luxembourg, le fondateur du festival, Paul Pierret, avait monté avec toute une équipe une exposition dans le quartier abbatial, accompagnée de concerts. Des concerts qui se sont vite transformés en un festival, qui est devenu en 1971 le représentant de la province de Luxembourg au sein des Festivals de Wallonie, sous l’appellation Juillet Musical de Saint-Hubert. En 2008, pour ses 50 ans, le festival s’est vu octroyer le titre de royal, ce qui a été une belle récompense pour tout le travail accompli jusque-là. »
Pour Els Celis aussi, la musique, ça remonte à loin. « J’ai eu la chance d’être en contact dès ma naissance avec la musique. Mon père était harpiste à l’opéra d’Anvers, puis il est devenu chef d’orchestre aux Opéras de la Monnaie puis de Gand et Anvers. Ma mère, elle, a mené une carrière de chanteuse en Belgique et à l’étranger. Tous les deux ont enseigné au Conservatoire d’Anvers. Enfants, nous allions évidemment écouter les concerts dirigés par papa, quand maman était parfois soliste. Vous imaginez bien que ce sont des moments inoubliables. » Après avoir elle-même travaillé aux opéras de Gand et Anvers, Els Celis s’est retrouvée par amour dans les Ardennes, au milieu des années 90, s’impliquant de plus en plus dans l’organisation du Juillet Musical, qu’elle coordonne depuis 2003 et dont elle signe la programmation depuis 2010.
Le Royal Juillet Musical n’est pas le seul festival de musique classique en province de Luxembourg, mais il se distingue des autres par le panel étendu de ses propositions. « Le Festival Mubafa, Musique baroque Famenne - Ardenne, est exclusivement consacré à la musique baroque, alors que le Durbuyssimo se concentre plutôt sur la musique de chambre, détaille Els Celis. Notre festival à Saint-Hubert se distingue par la diversité de sa programmation, couvrant un large éventail de styles et de genres. Cela va de l’intimité d’un récital à un concert symphonique, de la Renaissance jusqu’à la musique de nos jours. Avec aussi une ouverture vers d’autres genres non classiques, comme le jazz ou les musiques du monde, et des spectacles interdisciplinaires, destinés aux enfants, ou encore humoristiques. »
Cette diversité s’accompagne d’un autre axe important dans la programmation : l’attention accordée aux jeunes. D’abord avec le Festival des Jeunes, qui met en avant les élèves les plus talentueux et motivés d’une académie d’une ville chaque année différente, qui reçoivent là l’occasion de se produire en dehors du contexte académique. « Il y a aussi les Coups de cœur, une série qui propose à de jeunes musiciens une carte blanche pour un concert d’une heure, complète Els Celis. Cette série, accueillant de préférence des artistes de la province de Luxembourg mais pas uniquement, nous a apporté beaucoup de belles surprises. Je continue à suivre la carrière de ces jeunes et si elle évolue bien, je les réinvite au festival dans le cadre d’un grand concert. C’est ainsi, par exemple, que nous avons pu inviter Christelle Pochet, qui est aujourd’hui clarinette basse solo dans l’Orchestre de Radio France, pour jouer à Saint-Hubert le concerto de Mozart avec l’Orchestre National de Belgique. David Lootvoet, qui est depuis plusieurs années première harpe solo dans l’Orchestre de l’Opéra de Paris, a joué chez nous le Concerto sérénade de Joaquín Rodrigo. On peut citer aussi les sopranos Jodie Devos et Marianne Croux, les mezzos Sophie Van de Woestyne, Anne-Catherine Baclin et Julie Bailly, Olivier Giot, qui est premier violon à l’Orchestre Philharmonique de Liège, l’accordéoniste Michel Lambert, et tant d’autres ! Depuis que je suis devenue conseillère artistique, j’aime que le public puisse faire des découvertes en programmant des artistes jeunes, moins connus. Au début, le public, qui avait jusque-là plutôt l’habitude de venir écouter des artistes ou des ensembles confirmés, était un peu réticent, mais très vite les spectateurs ont compris que la qualité était omniprésente et la confiance s’est rapidement installée. »
Outre les talents du cru, à travers sa quinzaine de concerts répartis sur les week-ends du mois de juillet, le festival met aussi en avant le patrimoine local, en organisant ses concerts dans les plus beaux trésors architecturaux de la région. « A commencer par la magnifique basilique Saint-Hubert, avec son intérieur gothique flamboyant, s’enthousiasme la programmatrice. Mais il y a aussi les petites églises romanes, comme celle de Saint-Gilles, mais aussi la collégiale Saint-Monon à Nassogne, ou encore la ferme de Chirmont, dont la grande salle a été restaurée. » Des lieux hors du commun qui accueillent à chaque édition un mélange de spectateurs fidèles résidant à Saint-Hubert ou dans les environs, mais aussi des touristes, venus de Flandre, des Pays-Bas, du Grand-Duché de Luxembourg ou de France. « C’est un public très attentif, très généreux et très respectueux, précise Els Celis. Beaucoup d’artistes sont frappés par le silence et l’attention du public pendant le concert. On peut entendre les mouches voler. Mais la convivialité est aussi importante au festival. Nous organisons des réceptions après les concerts, dans les salles du palais abbatial, auxquelles tout le monde est invité et où le public peut rencontrer les musiciens. »
Rencontre et convivialité : voilà des mots que la crise sanitaire a rendus difficiles à concrétiser. Pour le festival, pour le public mais surtout pour tous les musiciens durement marqués par les restrictions, Els Celis espère que l’édition 2021 pourra se dérouler dans des conditions normales. « J’espère pouvoir retrouver l’ambiance unique de notre festival. J’aime particulièrement, le jour du concert d’ouverture, ce moment très particulier où je m’installe dans le fond de la basilique après avoir donné le feu vert au régisseur ou à l’orchestre pour commencer. J’entends les premières mesures qui résonnent sous les voûtes de la basilique remplie d’une centaine de personnes et je peux sentir la concentration des uns et des autres, le contact entre le public et les musiciens. Quand j’assiste à un concert, je trouve très important de sentir qu’il y a de la joie. Faire de la musique, c’est communiquer, avec soi-même, avec les autres musiciens, mais aussi avec le public et je trouve important de sentir ce partage. Le chef argentin Gabriel Garrido, qui était venu au Juillet Musical avec son ensemble Elyma pour le projet Fiesta Criolla, m’avait expliqué que quand il choisissait des musiciens, l’aspect technique et l’intelligence musicale étaient évidemment importants, mais qu’il devait également « sentir un certain plaisir de jouer », « voir un sourire sur le visage du musicien ».
Ce sourire, la récompense suprême d’Els Celis, c’est de le voir s’épanouir sur les visages des spectateurs à l’issue du concert. Et lorsque les portes de la basilique s’ouvrent, le public est traditionnellement accueilli sur le parvis par les sonneurs de trompe, autre trésor de Saint-Hubert. « Ca aussi c’est un moment très particulier. La transition n’est pas toujours facile : on sort d’un univers et on est tout de suite plongé dans un autre, complètement différent. Mais ça fait partie du festival Juillet Musical ! »
A l’image sur l’écran, dans le dos de Jérôme Lejeune, il y a une bibliothèque en coin. D’un côté trônent les livres d’histoire de la musique. De l’autre, les partitions. « Ce mélange entre le savoir et la pratique, ça a toujours été ma passion, affirme-t-il. Je joue de la viole de gambe et, si ce n’est pas mon activité professionnelle principale, ça fait partie du métier de musicologue de ne pas être seulement dans les livres et les papiers, mais aussi dans la pratique musicale. » Jérôme Lejeune a accepté de se prêter à l’exercice de l’interview en tant que porte-parole du comité artistique du Festival de Stavelot, lui qui en est administrateur depuis 1986. Cinq autres personnes l’accompagnent dans cette équipe : Suzanne Micha, Françoise De Moor-Longrée, Cécile Delhez-Longrée, Candice Delhez, quatre descendantes du fondateur Raymond Micha, et Jacques Polis. « Au début du XXe siècle, la région de Stavelot était prisée comme lieu de villégiature par les compositeurs et les musiciens attachés au Conservatoire de Liège, retrace Jérôme Lejeune. Octave Micha était alors en contact avec le milieu musical avant-gardiste de l’époque, avec des personnages comme le violoniste Eugène Ysaÿe, qui était interprète des œuvres de Debussy, Fauré, Franck, etc. Autour de cela s’est développée une sorte de ferveur pour la musique nouvelle de l’époque, avec l’organisation de nombreux concerts. Après la mort d’Octave Micha, en 1956, son fils Raymond a décidé de mettre sur pied l’année suivante une semaine de concerts en son honneur. » C’était la matrice d’un rendez-vous musical annuel dans la cité des Blancs Moussis. Le festival de Stavelot était né.
Dès ses origines, la ligne du festival stavelotain est claire : il sera consacré à la musique de chambre, puisque le lieu central du festival est le réfectoire des moines de l’ancienne abbaye, qui, vu ses dimensions et son acoustique, se prête idéalement à ce type de concerts. « Cet axe autour de la musique de chambre est resté une constante pendant toute l’histoire du festival, affirme Jérôme Lejeune. La période couverte dans les concerts à Stavelot commence avec Haydn et Mozart et s’étend jusque Ravel, Debussy, Stravinsky… On propose surtout de la musique classique et romantique, en veillant à un équilibre entre ce que le public a envie d’entendre ou de réentendre, comme le Quatuor américain de Dvorak, La Truite de Schubert ou le Quintette pour piano de Schumann, et des découvertes, des œuvres qui n’ont jamais été jouées dans le festival. Les programmes peuvent éventuellement inclure des œuvres de la fin du baroque, avec la génération de Bach et de Haendel. Il faut savoir que lors des premières années du festival, dans les années 50-60, la musique baroque était en pleine effervescence. On redécouvrait notamment la musique de Vivaldi, qui était quasiment inconnue avant la Seconde Guerre mondiale. En faisant écho à cette vivaldomania, Stavelot accueillait en fait ce qui était à la mode dans le monde musical à l’époque. Il faut aussi signaler que le festival a toujours ouvert la programmation à la musique contemporaine, même aux œuvres les plus récentes. »
Quand Jérôme Lejeune commence à fréquenter le festival, en culottes courtes, accompagnant ses parents par ailleurs fondateurs des Nuits de Septembre à Liège, la star de Stavelot, c’est le violoniste Arthur Grumiaux. « Jusqu’en 1986, Arthur Grumiaux venait chaque année à Stavelot pour plusieurs concerts. Au niveau international, c’était pratiquement le seul endroit où il faisait de la musique de chambre. Il jouait Schubert, beaucoup de Mozart, mais proposait parfois des nouveautés, des petites découvertes. » Outre Grumiaux, Stavelot a toujours réservé une place de choix aux musiciens – mais aussi aux compositeurs - « de chez nous ». « La famille Koch a été très présente à Stavelot, sur plusieurs générations. Jean-Claude Vanden Eynden est lui aussi un fidèle du festival, comme la soprano Sophie Karthäuser. Nous organisons aussi parfois des confrontations d’artistes belges avec des artistes étrangers.
En 1971, Stavelot figure parmi les festivals fondateurs du Festival de Wallonie, fondé pour répondre à des problèmes récurrents. « Chaque petit festival wallon gérait sa structure dans son coin, vaille que vaille, retrace Jérôme Lejeune. Certains avec pas mal de difficultés. Il fallait notamment trouver des subventions, ce qui demande certaines compétences pour savoir comment négocier avec les pouvoirs publics. Nous avions besoin de moyens de communication, de promotion, de diffusion qu’aucun des festivals ne pouvait vraiment assumer, d’autant plus que dans la plupart des cas, les ASBL de ces festivals étaient composées de bénévoles. En prime, nous avions à l’époque une espèce de titan qui planait au-dessus de nos têtes : het Festival van Vlaanderen, le Festival des Flandres, qui apparaissait comme un bulldozer monstrueux, d’une force extraordinaire, qui se permettait d’inviter par exemple le London Philharmonic Orchestra, de grands orchestres internationaux que les festivals wallons étaient incapables de se payer. Donc, il y avait une sorte de jalousie. A un moment donné, les festivals wallons ont décidé de se fédérer. Le Festival des Flandres a évolué très différemment, sa grande cohésion n’est plus aussi présente aujourd’hui, alors que les Festivals de Wallonie, eux, ont développé une certaine unité. La structure des Festivals de Wallonie a apporté du professionnalisme dans la gestion de tous les aspects techniques de l’organisation, et surtout dans la communication des festivals. »
A la fin des années 80, Jérôme Lejeune s’est lui-même vu confier la mission de solidifier cette fédération entre les différents festivals wallons. « C’est une tâche très compliquée parce que chacun des festivals a sa propre identité, sa personnalité, son esthétique et il faut trouver des dénominateurs communs, précise-t-il. Il y a des festivals d’été, avec une géographie très précise, comme Stavelot et Saint-Hubert. Il y a des festivals urbains, dans des grandes villes, qui se déroulent en saison et non en période estivale. Certains, comme celui du Hainaut, ont la possibilité d’accueillir de grands orchestres, ce que nous ne pouvons pas faire à Stavelot. »
Si Stavelot ne dispose pas de salles monumentales, son festival a néanmoins trouvé refuge dans un repaire de choix : la fameuse abbaye de la ville, ancien monastère bénédictin fondé en 651. Mais les concerts sont parfois organisés dans l’église Saint-Sébastien, connue pour abriter la châsse des reliques de saint Remacle, fondateur de l’abbaye. Ou encore dans la chapelle des Capucins, au sein du Centre Scolaire Saint-Remacle, récemment restaurée, qui convient très bien pour la musique ancienne. Et, de temps en temps, au Ciné Versailles, en particulier pour des concerts-spectacles destinés aux familles.
Avec ses 4000 auditeurs répartis sur quatorze concerts au mois d’août, le Festival de Stavelot bénéficie d’un public qui se renouvelle de génération en génération. « Il y a quelques dizaines d’années, certaines personnes venaient une ou deux semaines en vacances à Stavelot pour assister au festival. C’était des habitués, qui prenaient un abonnement et réservaient chaque année la même chambre à l’Hôtel d’Orange ou au Val d’Amblève. Cela n’existe plus, mais il y a toujours un public qui profite de l’été pour séjourner quelques jours dans la région et venir au concert. » Les années passent, mais le charme perdure…
-
A 32 ans, Frédéric Degroote est le plus jeune directeur artistique des Festivals de Wallonie. Mais celui qu’il dirige, les Nuits de Septembre à Liège, compte parmi les plus anciens festivals d’Europe. « Il existe depuis 1957, retrace-t-il. Il a été créé à l’initiative de Suzanne Clercx, qui était musicologue et professeure à l’université de Liège. Et dès les tout premiers programmes, le festival s’est consacré à ce qu’on appelle maintenant « la musique ancienne », qui est théoriquement la musique jusque Bach inclus, donc jusqu’à la moitié du XVIIIe siècle. Mais en réalité, il s’agit plutôt d’une façon d ‘aborder la musique, avec une interprétation « historiquement informée ». Jouer des œuvres du XIXe siècle sur instrument d’époque, comme par exemple du Chopin sur un piano Erard, c’est tout autant une forme de musique ancienne. »
A l’époque de la création du festival liégeois, la redécouverte de la musique ancienne en était encore à ses balbutiements. « C’était vraiment une terre inconnue, un travail de pionniers, poursuit Frédéric Degroote. Il n’y avait même pas de recréation sur instruments anciens comme c’est maintenant la norme. C’est à l’issue d’un des Colloques de Wégimont que Suzanne Clercx a voulu créer un festival, qui à l’époque se tenait seulement sur une semaine et qui maintenant dure tout un mois. C’est dans les années 70, sous la direction de son fils Jérôme Lejeune (voir le chapitre sur le Festival de Stavelot), que le festival a proposé des concerts où les œuvres étaient exécutées sur instruments anciens. Il n’y avait alors pas encore la collaboration entre interprètes et scientifiques que l’on connaît aujourd’hui. La musique ancienne sur instruments d’époque était plutôt le fait d’interprètes curieux qui voulaient entendre comment sonnait une viole de gambe, ou un clavecin, etc. En trois ou quatre générations, les choses ont évolué. Il y a beaucoup moins de tabous, de méfiance entre les chercheurs et les interprètes. Chacun collabore pour faire émerger des choses très intéressantes, plutôt que de garder ses trouvailles pour lui. »
En reprenant la direction artistique en 2019, Frédéric Degroote poursuit une tradition de liens étroits entre les Nuits de Septembre et l’Université de Liège. Né dans une famille de musiciens, lui-même hautboïste, il a étudié la musicologie à l’UCL et mène en effet actuellement une thèse de doctorat à l’ULiège. Son sujet ? La musique ancienne bien sûr, et plus particulièrement à Anvers, à la fin du XVIe siècle. « J’étudie les madrigaux composés à Anvers en sachant que normalement le madrigal est un genre italien, précise-t-il. Il s’agit d’une des traces où le madrigal s’est exporté en dehors de l’Italie et j’essaie de voir comment ces compositeurs flamands se sont approprié le genre. »
Plus de 60 ans après leur création et avec le soutien indispensable des Jeunesses Musicales depuis les années 80, les Nuits de Septembre gardent toujours cette ligne de programmation autour de la musique ancienne, qui a fait leur réputation. Même s’il y a eu au fil du temps des fluctuations autour de cet axe. « Le festival a connu plusieurs directeurs artistiques et plusieurs idéologies, développe Frédéric Degroote. Il y a eu notamment tout un moment où la programmation ne proposait presque plus de musique ancienne, mais se portait sur la musique du XXee siècle. Pendant dix ans, les Nuits de Septembre se sont d’ailleurs appelées les Nuits Transfigurées. Et ce qui devait arriver arriva : la fréquentation a baissé. C’est à partir des années 90, quand le festival est revenu dans le giron musicologique de l’université, sous la direction de Philippe Vendrix, que l’appellation les Nuits de Septembre a été reprise et que la programmation s’est recentrée sur la musique ancienne, ce qui n’exclut pas des ouvertures sur la musique contemporaine par exemple, ou d’autres formes d’arts. »
Au sein de la musique ancienne, les Nuits de Septembre entendent offrir chaque année un programme diversifié. « Je dirais qu’il y en a un peu pour tout le monde, avance le directeur artistique, des œuvres que le public connaît, et d’autres qu’il ne connaît pas, des découvertes. Le but est de parvenir à un équilibre entre ces découvertes et des œuvres phares auxquelles on sait que le public va adhérer, qu’il a envie d’entendre, sans tomber dans la démagogie. Par exemple, en 2021, le concert d’ouverture sera consacré à Vivaldi, avec la violoniste française Amandine Beyer et on sait que cela va susciter l’engouement. Pareil pour le concert de clôture, qui va forcément parler au public liégeois : des motets d’Henry Du Mont, un compositeur né en principauté de Liège, qui a travaillé à la cour de Louis XIV et que défend très bien ces dernières années l’ensemble français Correspondances. Cette année, on célèbre aussi les 500 ans de la mort de Josquin Desprez, un des plus grands polyphonistes de la Renaissance, et Liège ne pouvait évidemment pas rater cet anniversaire. Dans tous les cas, l’idée est toujours d’essayer de trouver l’adéquation juste entre les interprètes et les œuvres, mais aussi entre la musique et l’endroit où va se donner le concert. »
Sur ce dernier point, les Nuits de Septembre peuvent se reposer sur un panel varié de lieux. « Il y a des églises récurrentes, comme l’église Saint-Jacques, en général pour des gros projets ou pour le concert d’ouverture, et l’église Saint-Denis, plus petite, qui convient très bien pour la musique polyphonique. Chaque année, le festival coproduit un concert avec l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège, qui a lieu dans la Salle Philharmonique. Et nous avons parfois une coproduction avec l’Opéra Royal de Wallonie. Puis il y a bien sûr la Salle académique de l’université, qui est utilisée pour des récitals par exemple. Nous essayons que cette diversité de lieux serve à mettre en valeur les différents programmes choisis. Et nous tendons à essayer de nouveaux lieux, il y en a encore à découvrir. »
Au fil des huit ou neuf concerts par édition, de valeurs sûres en nouveautés, avec des noms belges (le Ricercar Consort de Philippe Pierlot, Vox Luminis, l’Ensemble Clematis, l’organiste Bernard Foccroulle, …) ou internationaux, le public suit. « Cela fait une dizaine d’années que le public grandit. Même en 2020, avec les conditions imposées par la crise sanitaire, il était présent, se réjouit Frédéric Degroote. Cet engouement s’explique sans doute en partie par le dépaysement que peut offrir la musique ancienne : ce ne sont pas des instruments qu’on entend ou qu’on voit tous les jours. Nous essayons d’avoir au moins à chaque édition un concert de musique médiévale et je suis chaque fois étonné de voir que le public répond présent parce que ce n’est pas forcément évident. On a alors la sensation de se connecter à quelque chose d’essentiel. Non pas que la musique du Moyen Âge était facile ou qu’elle n’était pas riche, mais on se trouve dans un autre système de pensée, c’est complètement différent de nos habitudes d’écoute. Personnellement, la polyphonie est une chose à laquelle je reviens toujours, qui me touche. Et je sais que je ne pourrais pas retrouver cela dans un répertoire plus tardif. Et puis, la musique ancienne remet toujours en question la façon de l’interpréter, de la comprendre. Parfois on a la chance d’avoir des indications très claires sur la manière de la jouer, mais parfois pas. Ce qui donne un champ de liberté énorme aux interprètes. Comment jouer une musique qui date de 500, 600 ans ? Plus c’est éloigné dans le temps, plus c’est sujet à questionnements. Et c’est stimulant. »
-
« Le Festival Musical du Hainaut a ceci de particulier que quatre villes sont actives dans sa programmation et sa diffusion. C’est lié au fait que la province de Hainaut ne présente pas la même configuration que celle de Namur, de Luxembourg ou de Liège. En Hainaut, qui est du reste la province où la démographie est la plus importante, il y a eu la nécessité que plusieurs villes soient le réceptacle et l’endroit de propagation de l’énergie des Festivals de Wallonie », pose d’emblée le violoncelliste, compositeur et chef d’orchestre Jean-Paul Dessy. Au sein du Festival Musical du Hainaut, c’est bien sûr Mons qu’il représente, lui qui est arrivé dans la Cité du Doudou pour y diriger l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie, le plus ancien orchestre de chambre belge (fondé en 1958), emmenant avec lui l’ensemble Musiques Nouvelles dont il est le directeur musical depuis 1997.
L’édition 2021 du Festival Musical du Hainaut, fondé en 1962, est la première que Jean-Paul Dessy programme, succédant à André Foulon, ancien directeur du Conservatoire de Mons (ARTS2). Ou plutôt co-programme, puisque depuis cette année, l’événement hennuyer se concocte en duo. « Au sein de l’équipe du festival, nous avons pensé qu’il serait intéressant, et plus fort, d’imaginer que tous les deux ans, deux villes s’unissent pour composer le programme. Mons et Charleroi ouvrent ce nouveau cycle de programmation en 2021 et l’année suivante, ce sera le tour de Tournai et La Louvière, explique-t-il.
L’autre membre du binôme carolo-montois, c’est Frédéric Delcroix, pianiste et programmateur musique classique et jazz au sein du Palais des Beaux-Arts de Charleroi. « Chacune des quatre villes du festival est adossée à un lieu culturel : Arsonic pour Mons, la Maison de la Culture à Tournai, avec Romain Dhainaut comme programmateur, Central à La Louvière avec Patrizia Merche, et le PBA à Charleroi. Et chaque programmateur tient compte du lieu qu’il représente et qu’il connaît », précise-t-il. Dans son cas, le paquebot qui trône sur la place du Manège depuis 1957 est « un endroit que tout Carolo connaît depuis sa plus tendre enfance, avec plusieurs lieux qui offrent chaque fois une ambiance très différente ». « La Salle des Congrès, que certains appellent « la Salle Magritte » en raison de la magnifique fresque du peintre surréaliste qui surplombe la scène, convient très bien pour la musique de chambre et offre une grande proximité entre les interprètes et le public. La grande salle, d’une capacité maximale de 1800 places permet, elle, d’accueillir de grandes formes orchestrales, en disposant une conque acoustique en bois derrière les musiciens. Il y a aussi le Hangar, qui va être complètement rénové cette saison, et la Réserve, au sous-sol, avec une toute petite jauge, dans un esprit club de jazz. Nous proposons aussi depuis cette saison une programmation extérieure, au kiosque du parc Reine Astrid, avec des concerts le samedi soir et le lendemain pendant le marché dominical. »
A Mons, Jean-Paul Dessy connaît parfaitement sa salle, modulable et trifrontale puisqu’il est l’instigateur et le concepteur d’Arsonic, « maison de l’écoute » inaugurée pour Mons 2015 dans l’ancienne caserne des pompiers à la rue de Nimy. « Quand je suis arrivé à Mons, j’ai tout de suite dressé le cadastre des endroits où l’on pourrait faire des concerts, d’une part avec Musiques Nouvelles et d’autre part avec l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie, retrace le directeur. La ville regorge de trésors patrimoniaux, avec des églises magnifiques, un théâtre très approprié du point de vue acoustique pour le théâtre et pour l’opéra et l’opérette, mais assez défavorable pour la musique de concert. Contraint et forcé, je me suis installé dans un lieu industriel, la Machine à Eau, qui est devenu un musée, le Mons Memorial Museum, puis Mundaneum pendant un temps. Mais ces solutions-là étaient vraiment précaires et assez vite j’ai essayé de faire entendre aux autorités que, pour une ville qui a été sacrée Capitale culturelle de la Wallonie bien avant d’être Capitale européenne de la culture, il était vraiment nécessaire, opportun, indispensable, qu’un lieu de musique y soit érigé. Et assez miraculeusement, c’est arrivé. Je pense que chaque ville de la taille de Mons dans chaque pays d’Europe verrait sa vie musicale transformée avec une salle de ce type-là. C’est ce qui s’est passé ici. Le public vient maintenant à Arsonic en masse alors qu’une grande partie de nos spectateurs ne venait pas au concert avant, n’écoutait jamais de musique classique. Il y a eu un effet d’engouement, d’enthousiasme, lié à cette salle qui permet de ressentir ce que c’est d’entendre des musiciens au meilleur d’eux-mêmes. C’est un investissement extraordinaire, qui porte ses fruits au-delà de l’espéré. »
Dans ces villes aux contours et aux passés différents, avec des salles aux caractéristiques propres, le mot d’ordre du Festival Musical du Hainaut s’affirme comme unique. « Je dirais que le principe est le même, précise Frédéric Delcroix : aller vers un éclectisme et une diversité des genres. Par exemple, en 2021, nous programmons un hommage à Astor Piazzolla, pour les 100 ans de sa naissance, qui tend presque vers le jazz. Mais aussi le claveciniste Justin Taylor, avec de la musique de Rameau, ou encore un spectacle d’ombromanie autour de Camille Saint-Saëns, pour le centenaire de son décès, qui est une production des Festivals de Wallonie. Je pense que dans la vie de chacun, on n’a pas besoin d’une musique : on a besoin des musiques. Et ce qu’on essaie de faire, c’est de balader les gens vers des musiques qu’ils ne connaissent pas. »
« Je veux faire en sorte que chaque jour, dans ce festival, on ait envie d’aller voir le concert du lendemain parce qu’il ne ressemblera en rien au concert qui l’a précédé ni à celui qui va le suivre, rebondit Jean-Paul Dessy. Dans cette diversité, on peut avoir des attentions pour certaines particularités. Par exemple, Mons a été une ville très importante du point de vue musical à la Renaissance. Elle a vu naître un des plus grands musiciens de la première moitié du XVe siècle, Gilles Binchois. Le festival lui rendra honneur, à travers une journée spéciale qui rayonnera dans la ville : les étudiants du Conservatoire de Mons chanteront du Gilles Binchois un peu partout à Mons. Nous organisons aussi une visite en musique et en commentaires de la magnifique collégiale Sainte-Waudru, qui a résonné autrefois des sons d’un orgue joué par Gilles Binchois. Il y aura aussi un concert d’hommage à Josquin des Prez, qui est né à Soignies, pour les 500 ans de son décès, et un marathon Piazzolla en clôture. »
Tout cela regroupé sous le vocable « happy », mot-clé des Festivals de Wallonie en 2021, eux-mêmes particulièrement à la fête pour leur 50e anniversaire. Un mot que l’on associe en effet très souvent à « birthday », mais qui offre de multiples interprétations. « Peut-être que nous serons tout simplement « contents » de sortir de cette crise », avance Frédéric Delcroix. « Et cette crise que nous traversons nous fait distinguer la nécessité de rendre le concert encore plus indispensable qu’avant, et il le sera, conclut Jean-Paul Dessy. Parce que cet instant-là, ce rituel où des personnes se rassemblent en silence pour célébrer la vie, devient de plus en plus rare dans notre société. Finalement, le moment d’un concert, c’est un moment où l’on va recevoir quelque chose de très précieux, d’unique, de transformateur, de nutritif, de soignant. Un moment que l’on doit rendre fertile, heureux. »
-
Il y a trois ans, les Festivals de Wallonie ont eu la joie de diffuser un faire-part de naissance : le Festival Musiq3 annonçait qu’il avait désormais une petite sœur, en Brabant wallon. « Un Festival de Wallonie a existé en Brabant wallon pendant 40 ans, sous la houlette de la province. Il y a trois ans, quand ce festival est tombé en faillite, un appel à projets a été lancé par les Festivals de Wallonie. Musiq3 a remis un dossier et c’est ce projet qui a été choisi, retrace Fany Grégoire, coordinatrice de ce nouveau festival. Forts de notre expérience à Bruxelles, nous avons eu envie d’essaimer, de venir en Brabant wallon avec le même esprit, la même volonté de partager le plaisir de la musique classique avec un public le plus large possible. Mais évidemment, les formules sont très différentes. A Bruxelles, le festival se déroule sur un week-end, à travers quatre ou cinq lieux très centraux. En Brabant wallon, c’est plus étendu, sur trois week-ends et deux semaines, avec entre dix et quinze concerts à travers toute la province. »
Pour ne pas risquer de perdre son identité dans l’itinérance et la dilution dans le temps, le Festival Musiq3 en Brabant wallon repose chaque année sur un concept fort, qui est aussi un fil rouge idéal pour découvrir le patrimoine de la province. « L’année passée, on célébrait les 250 ans de la naissance de Beethoven et en réfléchissant avec l’équipe, on s’est rendu compte que beaucoup de granges du Brabant wallon dataient plus ou moins de cette période-là, poursuit la coordinatrice. On s’est associé avec un historien-architecte de la Province et on a mis sur pied un « tour des granges », en amenant la musique dans des lieux qui n’avaient pas l’habitude de l’accueillir et en touchant ainsi un public local, des gens qui n’ont pas toujours l’habitude de se rendre au concert. »
Bien sûr, il est plus compliqué d’organiser un concert dans une grange que dans une salle de spectacle, avec parfois des contraintes inattendues. « Nous avons par exemple fait jouer l’Ensemble Ontano dans une chèvrerie, à la Ferme de la Baillerie à Genappe. Non seulement nous avons dû tout amener sur place mais en plus il a fallu prendre en compte le timing de la traite des chèvres et faire attention de ne pas disposer les chaises trop près d’elles parce qu’elles mangeaient tout ce qu’il y avait à portée… Evidemment, ce ne sont pas les conditions normales d’un concert, mais les artistes étaient heureux d’être dans un endroit si décontracté. Même si ça demandait beaucoup de concentration, ils étaient contents de l’avoir fait. »
Autre exemple significatif de cette volonté de croisements inattendus, l’interprétation de l’ultime sonate de Beethoven, l’opus 111, par deux pianistes aux trajectoires différentes : l’Ukrainienne de formation classique Natasha Kudritskaya et le Belge et très jazz Fabian Fiorini. « Ce concert a rassemblé un public qui venait de la musique classique, un public qui venait du jazz, mais aussi des gens qui venaient découvrir une ferme qu’ils n’avaient jamais vue, rappelle Benoît Debuyst, co-directeur artistique des deux festivals Musiq3 en tandem avec Julie Calbete (lire par ailleurs). L’idée d’un mélange de publics, pour nous c’est très important. »
Comme à Bruxelles, le Festival Musiq3 en Brabant wallon mise particulièrement sur la jeunesse et un public familial, à travers une programmation spécifique mais aussi une collaboration avec toute une série de partenaires. « Rajeunir le public, c’est quelque chose que nous avons réussi à faire à Bruxelles et c’est un des buts en Brabant wallon, précise Fany Grégoire. C’est un challenge motivant. Nous travaillons entre autres avec l’UCL et nous avons organisé un concert à Louvain-la-Neuve, à l’Aula Magna, avec l’orchestre du Festival Musiq3, qui est composé de jeunes musiciens à peine sortis du Conservatoire de Bruxelles. Nous collaborons aussi avec l’IAD, avec qui nous avons organisé lors de la première édition un colloque sur l’électronique et la musique. C’est vrai qu’il n’y a pas de Conservatoire en Brabant wallon, mais il y a beaucoup d’académies, qui sont très demandeuses, comme l’académie de Jodoigne, l’académie de La Hulpe… Et chaque année dans notre programmation, nous proposons un concert pour les enfants et les familles et des activités autour de ça. Cette année, nous irons dans les écoles, aussi pour s’intégrer dans le tissu déjà existant. Nous essayons de créer des partenariats et des synergies avec des institutions qui existent déjà, pour profiter de leur expérience et toucher le plus grand nombre de personnes. » « Beaucoup de festivals de musique classique rencontrent des difficultés quand ils ne parviennent pas à régénérer leur public, rebondit Benoît Debuyst. C’est probablement ce qui s’est passé avec la version précédente du Festival de Wallonie en Brabant wallon. Je ne suis pas certain que l’équipe d’alors ait développé des actions vers des publics différents. Et dans le budget d’un festival, le public représente 50 %. »
Les spectateurs, en tout cas, ont répondu présent dès la première édition de cette nouvelle mouture du festival, qui a rassemblé 3000 personnes. Le fil rouge était alors le « patrimoine musical de la province », c’est-à-dire les musiciens qui y résident, en permettant au public de les rencontrer sur le lieu de vie. « Il y a beaucoup de musiciens en Brabant wallon, précise Benoît Debuyst. Par exemple l’Ensemble Kheops, avec la violoncelliste Marie Hallynck, le pianiste Muhiddin Dürrüoglu et le clarinettiste Ronald Van Spaendonck. Nous avons beaucoup travaillé en jazz avec le guitariste et joueur d’oud Karim Baggili. Il y a également un noyau de musiciens baroques qui enseignent au Conservatoire de Bruxelles et qui habitent la région de Jodoigne, mais aussi des facteurs de clavecin… » En amont ou juste après le concert, un moment d’échange entre le public et les artistes était prévu, avec la complicité d’un animateur de Musiq3 comme modérateur. Et cette tradition conviviale initiée en 2019 a perduré. « La rencontre est un des maitres mots du Festival Musiq3, en Brabant wallon aussi. »
Et pour 2021, l’équipe a choisi de décliner le thème de la fête autour d’un patrimoine particulier : «Il se fait que le Brabant wallon cultive une tradition des bulles, explique Benoît Debuyst. Pas celles du confinement, mais du champagne, des bières qui y sont produits. C’est un élément patrimonial qui est à la fois très festif et très lié au terroir. Nous allons collaborer avec des micro-brasseries et faire découvrir des produits locaux au public du festival. Tout cela permet de faire se connaitre des gens entre eux mais aussi de leur faire découvrir la musique qu’on propose. »
Le défi pour l’avenir est de continuer à voyager dans la province, sans pour autant se disperser. « On essaie de rayonner, d’aller un peu partout, souligne Fany Grégoire, même s’il y a des incontournables comme le Centre culturel d’Ottignies, qui est très central, ou le Centre culturel de Nivelles. L’année dernière, Benoît a quadrillé le Brabant wallon dans tous les sens pour trouver des fermes qui correspondaient au concept dans toute la province. » « C’était sans doute le problème de l’ancien Festival Musical du Brabant wallon, qui s’ancrait dans des lieux culturels bien répertoriés et bien représentés, mais qui en perdait son image globale, conclut ce dernier. A travers le concept général que nous proposons, nous voulons dépasser ces particularismes. C’est un gros boulot, mais nous arrivons avec une conception nouvelle, de l’expérience et une fameuse équipe ! »
Boulevard Audent 24, 6000 Charleroi
+32 71 51 78 00
info@lesfestivalsdewallonie.be
www.facebook.com/LesFestivalsdeWallonie
www.instagram.com/lesfestivalsdewallonie
www.linkedin.com/company/lesfestivalsdewallonie
For centuries, just like painters and poets, musicians have drawn inspiration from nature. Whether it is singing the alternation of day and night, making the cycle of the seasons or the majestic course of rivers heard, suggesting the emotion that arises from contemplating a starry sky or the roaring of the tumultuous elements, music, while not being able to completely and easily imitate nature, has often tried to echo it.
An emblematic figure among others, the poet and musician Orpheus symbolises the perfect harmony between Mankind and the World. His singing has been known to tame animals, even the wildest ones, before triumphing over death. Beyond purely zoo-organological considerations (bows made of horsehair, skins for timbals, feathers for jacks and mouthpieces for harpsichords…), the references to the animal kingdom abound in musical literature, at any given period. Baroque music, and in particular works dedicated to harpsichordists, abound in bestiaries of all kinds. The use of instruments designed to imitate animal cries or bird songs is very common. The Creation from Haydn comes to mind, rich in animal paintings, from lions to doves, or the obvious Carnival of the Animals from Camille Saint-Saëns. Closer to us, Guillaume Connesson’s Jurassic Trip confronts us with a new kind of bestiary. As for Messiaen, he claimed that his composing masters were the birds themselves. The extraordinary “Catalogue” he dedicated to them bears witness to his interest in the various ecosystems of our planet. Maybe we are presented with the opportunity to study the animal side that resides in each and every one of us?
In general, the musical evocations of nature are in fact articulated around the idea we have had of them over the centuries. In the Middle Ages, nature as a divine creation was the place of ideal Beauty. Imitating nature meant building a musical order that reflected the order of the World. The Renaissance saw the completion of this imitative tradition of nature. The scientific disruptions of the 16th and 17th centuries and the (culmination of the) Enlightenment led us to see nature no longer as an immanent force, but as a kind of great book written in mathematical language. A whole arsenal of rhythmic and melodic formulas was implemented to suggest the idea of the movement of water, the singing of birds, hunting… The Four Seasons were among the most popular subjects in the 17th and 18th centuries, alongside pastoral scenes and other evocations of Arcadian universes, through which rustic life in the countryside was magnified by the prism of an exclusively benevolent nature.
With Rousseau, nature is embodied in the fantasy of an original primitivity that humanity has gradually corrupted. If the end of the 17th century already saw the spread of a significant number of works offering an aestheticised evocation of sometimes frightening natural noises (thunder, winds, roaring seas…), paintings of unleashed elements multiplied at the turn of the 18th and 19th centuries. The Sturm und Drang movement in Germany used them without reservation. At the same time, in the wake of Rousseau, criticism of the urban environment, a place of corruption and artifice, and a witness to the damage of civilization, became even more acerbic. To flee the cities for the fields, to find refuge in wilderness where hope of regeneration is still possible, such is the question that haunts composers! Beethoven, with his Pastoral Symphony, suggests an elsewhere far from the cities that it is desirable to reach. Schubert follows in his footsteps.
From this point forward, nature is no longer the great descriptive book whose mysteries must be revealed rationally. Man appears very small in the face of the omnipotence of the elements. Certain subjects are incidentally chosen for their spectacular potential. In communion with the forces - physical, telluric, magnetic - of nature, the individual no longer seeks to fight against them, but surrenders to them by giving them all his psychological projections. The end of the 18th century was also the time of the discovery of the high mountains and their great potential for inspiration. The forest, for its part, became the receptacle of all anxieties. At the same time, musicians travelled the roads of Europe and marveled at the power and diversity of the landscapes they crossed (Liszt and his Years of pilgrimage; The Hebrides and The Scottish Symphony from Mendelssohn…). With Chabrier (España), Albeniz (Iberia), Smetana (My Country), singing the beauties and virtues of a terroir, describing the picturesque of sound landscapes is highly ideological at a time of awakening nationalism.
Composers of the second half of the 20th and 21st centuries are interested, with movements such as sound ecology or bioacoustics, in the extraordinary laboratory of sounds offered by nature: streams, winds, insect rustles, animal cries, become their own sound material, hybridised or not within original compositions. Reaching out to the world with a microphone also contributes to the preservation of our environment. Faced with the damage caused by the Anthropocene and the gradual disappearance of species, it is a question of safeguarding what can still be safeguarded.
Interest in nature thus took on very particular forms in the 20th and 21st centuries. How, indeed, can we envisage the role of the composer at a time when new recording tools make it possible to capture and broadcast the sounds produced by nature itself? What can become of the relationship between nature and art once the latter is freed by technology from its mimetic role? More broadly, can the open air become the stage for a new kind of concert? Or again, from a very contemporary angle: do artists have a role to play at the heart of societies that place ecological issues and the climate transition at the center of the debate?
Each year, from June to October, Les Festivals de Wallonie organize 150 concerts and activities all over Wallonia and Brussels (Flagey), gathering an audience of more than 40000 people.
Even though its usual audience is comprised of loyal music lovers that are used to attending classical music concerts, Les Festivals de Wallonie aim to diversify it in order to include every age category, whether music fans or simply curious people from various backgrounds, willing to listen to music!
With that in mind, some projects were created to include people with difficulties, whether social or financial, like A Seat for everyone (shows accessible to people with disabilities) or Pending tickets (a donation system in partnership with several associations).
Les festivals de Wallonie also produce concerts and musical theater shows for families and a broader audience. These productions, which forecast belgian artists, have a life of their own after the festival season. Other projects are a part of this desire to include more people (Discovery Boxes), but also to support a young generation of musicians and creators (Génération classique).
Each of the seven festivals offer a special color and taste to the federation!
Meet our audience
A federation of seven festivals, we cover the whole territory of Wallonia and Brussels, and organize concerts in the most unexpected places of our provinces. That way, we can get to an audience that is rarely reached by the traditional cultural entities.
Be coherent in our diversity
Each of our seven festival has its own specificity, while being coherent in their program. Every year, a common theme is chosen and a guest artist completes it, as a guiding light.
Broaden our audience : a project dynamic
We want to diversify our target audience through cultural awareness actions. Concretely, it means not only organizing concerts but creating projects to include students, children, socially marginalized people or people with disabilities. Several associations partner with us in order to establish these projects.
Promote young local artists
Conscious of the duty we have to broadcast the great interpreters of tomorrow, we want to promote young artists, and we pay particular attention to the artists of the Fédération Wallonie-Bruxelles. That way, we associate (in our programs) internationaly famous artists with young performers at the start of their career.
Honour our regional heritage
The musical heritage of Wallonia and Brussels is highlighted by the discovery of musicians and writers of the Communauté française. We also honour our architectural heritage while organizing concerts in abbeys, castles, museums and remarkable churches.
Work with other cultural entities
Les Festivals de Wallonie are a federation open to working with other cultural entities that, while maintaining its requirements for quality, is willing to collaborate (temporary partnerships, various collaborations…).
Directrice
Isabelle Bodson
Assistante de direction
Mélanie Van Gyseghem
Chargée de projets
Elise Viola
Chargée de communication
Céline Malengrez
Assistante communication / production / partenariats
Ilham Ourguis
Agence de presse
Laurence Morel, Nakami
Sarah Vermeulen, Serenai
Site internet
Coast
Boulevard Audent 24, 6000 Charleroi
+32 71 51 78 00
info@lesfestivalsdewallonie.be
www.facebook.com/LesFestivalsdeWallonie
www.instagram.com/lesfestivalsdewallonie
www.linkedin.com/company/lesfestivalsdewallonie
Boulevard Audent 24, 6000 Charleroi
+32 71 51 78 00
info@lesfestivalsdewallonie.be